Le voyage du poéte ...
Un soir , las d'étre seul , je suppliais ma Muse.
Caline , elle m'offrit ses deux bras, me berça,
Elle sut déployer tant de douceur , de ruse ,
Que sa voix m'endormit...un bel oiseau passa .
Aussitot , je frétai ses ailes merveilleuses
Pour voleter léger de clairiére en buisson ,
Je bus tant de rosée aux coeurs des tubéreuses
Que l'enclos retentit d'égrillardes chansons .
Puis j'empruntai le coeur du papillon volage
Pour me poser partout , sans rester nulle part ;
Que de baisers volés, quel étrange langage
Avec la douce rose aux habits de brocart !
Du torrent , je suivai la course vagabonde ,
Couvrant mon corps ailé de gouttes de cristal ,
Le long de mon parcours, plus d'une fille blonde
Avait mis pour me voir sa toilette de bal .
Je courais , bondissais ,insouciant ,fantasque ,
M'enivrant des senteurs de pétales mélés.
Quel est ce bruit soudain , serait-ce la bourrasque ?
Non , simplement le vent aux bonds échevelés.
J'avais pour m'éclairer la bonne lune ronde
Que je semblais froler dans mon vol incertain .
Je n'avais qu'a vouloir, j'étais maitre du monde,
La Muse avait changé le cours de mon destin .
Hélas ! Je m'éveillai quand l'aube transparente
Avait chassé la nuit .Mon coeur était comblé,
J'enfermai mon beau réve en ce coffre amarande ,
Je verrouillai la porte , au loin jetai la clé .
Passant ! Si vous trouvez quelque part dans la plaine ,
Une clé minuscule accrochée au roseau ,
Ne la ramassez pas...C'est celle d'un domaine
Que seuls peuvent franchir le poéte et l'oiseau !
Yolande Bracchetti .